2. Lunar park de Bret Easton Ellis
Titre original : Lunar park (2005) 472 pages
Pitch :
Dans Lunar Park, Bret Easton Ellis, enfant terrible des lettres américaines, pense que les madeleines de Proust sont des mandarines, que sa maison d'Elsinore Lane est hantée, que le spectre est son père mort et peut-être aussi Patrick Bateman, le tueur d'American Psycho, que la moquette "pousse" dans la salle de séjour, qu'un coeur bat sous la "peau" d'un oiseau en peluche appelé Terby, que les femmes autour de lui ne verront jamais ces apparitions surnaturelles, que sont fils sait où sont allés les garçons qui disparaissent mystérieusement, qu'il doit retrouver la simplicité des phrases qu'il écrivait dans son premier livre, qu'un massacre des innocents d'un genre nouveau est en cours, qu'une seconde chance lui est donnée, que Lunar Park sera son dernier roman.
Avis :
Ce roman est une autofiction où l’écrivain débute en nous contant de façon très pertinente et intéressante son fulgurant succès littéraire sans omettre les petits travers qui l’accompagne comme les drogues et sa frivolité. En somme une mini biographie dans les règles de l’art. Tout va virer dans la fiction à partir du moment où il décide de se reprendre en main en partant vivre dans la banlieue avec une actrice hyper cotée (Jayne Dennis qui dans la réalité est une actrice assez mineure) avec laquelle il aurait eu un fils qu’il n’a jamais reconnu.
En cherchant la stabilité, il se retrouvera confronté au fantôme de son père défunt. Ce père tyrannique et violent qu’il n’a jamais aimé. Sa maison va peu à peu prendre les traits de sa demeure d’enfance. Des monstres tout droit sortis de son imagination d’écrivain vont même venir attenter à sa personne dans cette maison hantée jusqu’au bout des tuiles…
Mais que veut-il nous faire passer comme message dans ce mélange insensé de vie quotidienne et de fantastique ? La réponse est multiple. D’abord, tout comme dans « Moins que zéro », il fait le constat d’une jeunesse désabusée qu’il décrit comme anesthésiée par des médicaments dès leur enfance. Des parents, tellement absents, qu’ils chouchoutent leur rejeton en les inscrivant dans les meilleures écoles tout en leur faisant suivre des psychanalyses hors de prix. Edifiant.
Ensuite la relation père-fils sert de fil conducteur à toute l’intrigue. Primo par les sévices que le père de l’écrivain lui a infligés. Toutes ses hantises viennent de là. Il avoue même s’être inspiré de son père pour le personnage de Patrick Bateman, le tueur sanguinaire d’American psycho !!!!! Et secundo, ce qui ne va arranger en rien l’état psychologique de Bret, il illustre l’extrême difficulté d’établir une communication avec son propre fils. Les ados paraissent ici vivre dans une dimension parallèle de celle de leur parent. Ils ne parlent qu’entre eux et n’ont pas la moindre peur des nombreuses disparitions qui touchent leur petite communauté. Tout est secret et les malaises restent bien tapis à l’intérieur.
Le livre se pose comme une descente irrémédiable du héros vers une psychose délirante. Ce qui le fait retomber dans ses pires excès (stupéfiants en tout genre). Et là on ne sait jamais lequel induit l’autre ! Sont-ce les substances qui le font divaguer ou bien est-ce la maison et tous ses fantômes qui le poussent à se shooter ? La question reste en suspens tout au long de la lecture. A un moment, comme personne ne croit à ces apparitions, l’écrivain va faire comme si tout cela n’était qu’un rêve. Il va tenter de sortir de son roman pour devenir comme nous un observateur rationnel. Mais sans succès car rattrapé par des événements de plus en plus démentiels. Il en arrivera même à un dédoublement de la personnalité : d’un côté le mari totalement noyé dans tout cela et de l’autre l’écrivain qui lui crache les vérités même si elles ne sont pas belles à dire. Complexe.
L’auteur ne nous donne jamais toutes les clefs du récit mais il tient néanmoins parole lorsqu’il nous dit, au début du livre, que le titre du bouquin s’expliquera à la toute dernière phrase de celui-ci. Dans son inextricable puzzle, il se permet une petite histoire parallèle où un détective prend contact avec lui. Il enquêterait sur un tueur qui se servirait de la trame « American psycho » pour accomplir son œuvre meurtrière. Voilà qui augmentera encore d’un cran l’intensité de la peur de notre héros. Pour moi, elle atteindra son point d’orgue dans une scène de tentative d’exorcisme de la maison qui vous laissera les mains moites.
Je ne trouve pas quoi dire pour résumer mon avis sur cette histoire hallucinée. J’ai vraiment pris du plaisir à la lire mais c’est loin d’être un chef d’œuvre absolu. Je le conseillerai pour quelqu’un qui voudrait découvrir l’auteur…
Note : 14/20
Ber